as slow as possible — collectif curatorial en résidence — 2023/2025
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Love Stories (double trouble)

Pour clore cinq années de programmation au sein de l’Espace 3353, Julie Marmet et Vicente Lesser invitent artistes, collègues et amiexs à célébrer le caractère collectif du travail au sein d’un espace d’art indépendant.

Love Stories (double trouble) rend visibles les liens et les relations, de travail ou d’amitié, qui permettent de rendre un espace d’art vivant et pluriel, pour imaginer collectivement de nouvelles manières de produire et penser des projets artistiques et culturels. L’exposition met en espace les multiples articulations et la fluidité entre privé et professionnel dans la sphère de l’art contemporain, les relations et rapports, parfois complexes, qu’entretiennent les artistes entre elles·eux. Elle revendique la collaboration, qui y est prise comme stratégie de résistance à l’omniprésente individualisation, comme un engagement pour des pratiques collectives et viables, pour un temps long.

Love Stories (double trouble) réunit le travail de 20 duos d’artistes formés pour l’occasion ou non : des partenaires de vie, des adelphes ou membres de familles choisies, des amiexs de toujours, des collègues de recherche et des compagnonexs de lutte.

Avec :
Anaïs Wenger & Basile Jeandin 
Angeles Rodriguez & Giona Bierens de Haan 
Barbezat – Villetard
Camille Dumond & Lou Masduraud 
Camille Kaiser & Jamal Nxedlana 
Dent de Lion (Flora Mottini & Camille Farrah Buhler) 
Giada Olivotto & Camilla Paolino 
Gina Proenza & Tristan Lavoyer 
Jeanne & Zoé Tullen 
Léa Katharina Meier & Max Léo Hauri 
Lucas & Paulo Wirz 
Maria Guta & Lauren Huret 
Martin Jakob & Colin Raynal 
Matheline Marmy & Jonathan Vidal 
Pauline Cordier & Charlotte Schaer 
Quintana E. (Jessy Razafimandimby & Niels Trannois) 
Raquel Fernández & Sergio Rojas Chaves 
rita elhajj & ghalas charara 
Sabrina Fernández Casas & Bérénice Pinon 
Stirnimann – Stojanovic

Redevenir poisson

Eva Zornio

Le tournant affectif désigne le moment où la recherche scientifique a reconsidéré les émotions dans la compréhension des phénomènes sociaux et culturels. Cette reconnaissance des affects passe notamment par leur objectivation et par l’établissement de protocoles de mesure, qui permettent aux scientifiques et chercheuses de prendre en compte leur rôle dans les activités humaines et sociales.

Initialement formée en neurosciences, Eva Zornio a opéré ces derniers mois un réel tournant du faire. Ce tournant s’illustre par l’incorporation du verre dans son travail, notamment dans le cadre d’une résidence au CERFAV – Centre Européen de Recherches et Formation aux Arts Verriers, où elle expérimente avec les propriétés physiques, les limites et les reflets tant esthétiques que métaphoriques du matériau.

À 3353, Eva Zornio propose une manifestation de ce double tournant, par la reconstitution symbolique du bâtiment de verre abritant le Campus BIOTECH à Genève. Dans l’espace d’exposition, on se retrouve face à un labyrinthe dont on ne saurait définir s’il s’agit d’un laboratoire de modélisation des affects, d’un open-space délaissé car inadapté à une quelconque activité, d’un lieu de stockage pour un gang de trafic d’émotions, ou d’un aquarium dont nous serions les résidentes permanentes.

Alors, emportées par l’onde, on se promène, et on écoute.

– Après un premier cursus en biologie se soldant par l’obtention d’un master en neurosciences, Eva Zornio (CH-1987) s’oriente vers le champ des arts. Circulant entre institutions et structures indépendantes, elle performe notamment à l’Institut Suisse de Rome (2019). Elle expose à la Fondation d’Entreprise Ricard (2019), à Kunsthaus Langenthal (2019), à Forde (2018) ; en 2020 elle participe à l’exposition des Bourses de la Ville de Genève au Centre d’Art Contemporain ; elle est nominée aux Swiss Art Awards 2021 ; en 2022 elle expose à Kunst Halle Sankt Gallen et est sélectionnée pour la publication 2023 des Cahiers d’Artistes de Pro Helvetia. –

Texte par Clara Schulmann

Summoner

Hunter Longe

Hunter Longe fait pousser des pierres.

Sa pratique est celle d’une enquête patiente sur la formation des minéraux, qu’elle ait eu lieu il y a des millions d’années dans des roches métamorphiques et sédimentaires, ou sur le plan de travail organisé de son atelier.

Cultivant l’ambiguïté, les pièces présentées dans ses installations sont énigmatiques, autant sur leur composition géologique que sur leur propriétés métaphysiques. Leur nature autant que leur datation sont difficiles à assurer et ces incohérences provoquent une rupture dans le récit que l’on tente de leur apposer.

Dans l’espace, on ressent une forme d’invocation étrange, émise simultanément par les pierres en présence et par la modulation des éléments ambiants. Il s’agit peut-être d’une recette cryptique ou d’une incantation, de la remembrance de ce qui reste encore à venir, ou celle d’un passé lointain.

– Hunter Longe vit et travaille actuellement à Genève. Il est titulaire d’un Bachelor en Arts Visuels de la California College of the Arts, San Francisco et d’un Master en Arts Visuels de l’Institut Piet Zwart, Rotterdam. Son travail a été récemment présenté dans des expositions collectives et individuelles à l’Instituto Svizzero, Rome; Krone Couronne, Biel/Bienne ; Alte Fabrik, Rapperswil ; Binz39, Zurich ; Centre d’art Contemporain Genève; Musée Cantonal de Géologie, Lausanne; NoMoon, New York ; Et al. Gallery, San Francisco ; LambdaLambdaLambda, Pristina ; et Hordaland Kunstsenter, Bergen. En 2021, un livre de ses poèmes et dessins intitulé DreamOre a été publié par Coda Press et il a été lauréat des Swiss Art Awards. –

Texte de Chloe Sudgen

Happily Aging & Dying


Noemi Pfister

Des chevaliers en cavalcade jaillissent de la fumée de cigarettes. 
Il y a comme une odeur de sable, de poussières de dunes. 
Le paysage est voilé, au loin, on peine à distinguer la présence d’une ville.

Les personnages peints par Noemi Pfister semblent vivre dans une semi-réalité commune, un monde synesthésique dans lequel les plantes ont des visages et les couleurs ont des souvenirs. 

Bien que l’on soit tenté de lire ses toiles comme une parfaite dystopie, une vision prémonitoire de la terre suite à 100 ans de nécro-capitalisme, Noemi Pfister suggère  plutôt l’apocalypse comme une forme de libération, pouvant peut-être même donner lieu à une résolution.

— Noemi Pfister est diplômée de la HGK–Basel (2019) et de la HEAD–Genève (2016). Happily Aging & Dying est la première exposition individuelle de l’artiste à Genève et est exclusivement constituée de nouvelles toiles produites pour l’occasion. L’exposition est accompagnée d’un texte de l’auteur genevois Lucas Cantori, rédigé en conversation avec la pratique de Noemi Pfister.  —

Résidences de recherches et performances

Basile Dinbergs
Qui ne peut regarder à ses pieds marche trop vite
17.09 — 01.10

– Dans le cadre d’une résidence de recherche de deux semaines à l’Espace 3353, Basile Dinbergs ré-interprète et re-joue une habitude.

Alors qu’il développe depuis plusieurs années une pratique active et presque quotidienne de la collection, cette quasi-archive d’objets et de pensées est devenue avec le temps une série de micro-musées de l’ordinaire.

A 3353, il change le format de cette pratique et la rend publique à travers deux performances. La proposition est un essai autour du glanage, de la cueillette, de la collection comme un dialogue.

« Quand on cherche quelque chose, mieux vaut rester immobile et observer, que courir sans regarder. » –


Jony Valado
Pândego
01.10 — 15.10

– Dans la suite de ses recherches sur le rapport des êtres aux poids des choses (matérielles, tangibles ou invisibles) Jony Valado propose une forme d’anthologie personnelle de son rapport au poids, ainsi que des techniques un peu burlesques pour réussir à porter ce qui nous pèse.

Entre critique de la modernité et expérimentations performatives, la proposition vise à explorer les liens entre humain et âne, à comprendre la manière dont la matière transite (ou est transportée) et en vient à déclencher des inégalités.

« Danser la valse lente de mes grand-parents paysans, en partant des champs jusqu’à leurs maisons. Cracher des noyaux d’olives le plus loin possible. Chausser des sabots en bois, les claquer au sol et imiter l’âne. Crier en portugais, m’expliquer en français, me mettre à nu en anglais. À quatre pattes, je raconte quelques histoires… sur mon dos, une pierre. Elle m’écrase! Collé au sol, je fais bouger chacune de mes fesses au rythme d’une espèce de flamenco puis j’invoque l’esprit de l’âne qui m’habite. » –

Avec la participation de Meryl Schmalz et Basile Dinbergs


Cecilia Moya Rivera
I’m still analfabeta
10.10 — 04.11

– Le langage est au centre de la pratique artistique, d’écriture et de recherche de Cecilia Moya Rivera et y est compris autant comme une forme lexicale, un témoin historique que comme une source de pouvoir. Plaçant le langage au centre de la recherche et de ses transpositions artistiques souvent collectives, Cecilia Moya Rivera traite la notion de polyphonie en tant que sujet et comme méthodologie. Dans son travail, elle recherche et expose les traces du colonialisme jusque dans le langage et ses projets de performance, d’exposition ou de publication proposent ainsi des manières de faire mémoire, collectivement, avec les mots.

Dans le cadre de sa résidence à 3353, Cecilia Moya Rivera proposera deux formats performatifs, considérant le partage d’un langage comme un acte d’amour. –

« ¿te duelen las palabras?
Do the words hurt you?

¿cuál es mi lengua materna si la que tenía me la robaron en 1492?
What is my mother tongue if the one I had was kidnapped in 1492? »


jpp
d’humeur à détester / d’humeur à lâcher deux trois je t’aime
05.11 — 19.11

– jpp travaille le texte et les mots, et les spatialise par le biais d’installations sonores, de vidéos et de publications. Son travail pioche directement dans le quotidien et débusque les non-événements qui le ponctuent. Sa pratique de l’écriture donne ainsi une forme poétique à ces micro-situations qui ont lieu dans les relations interpersonnelles, in ou off-line. Toujours ancrées dans une perspective de questionnement des rapports de domination, les histoires écrites et racontées par jpp sont autant de manières de théoriser le quotidien et d’appréhender l’intime comme éminemment politique.

Ses projets récents relatent d’un profond intérêt et travail linguistique et textuel sur les langages de l’amour. Pour l’ouverture de sa résidence de deux semaines à l’Espace 3353, jpp invite le public à venir rencontrer divers matériaux textuels, sonores et visuels présents dans sa recherche en cours, sur les expressions de l’amour et l’éternelle quête pour l’exprimer honnêtement. –

La mesure des possibles

Jeanne Tara

Dans le prolongement de son travail et de ses recherches sur la présence des corps dans l’espace public, Jeanne Tara s’attelle à décortiquer les formes et représentations liées aux arts appliqués dans l’architecture. Profondément ancrée dans une réflexion sur les savoirs et le faire, elle met en oeuvre un questionnement matériel et physique, à la fois sur la durabilité des techniques ainsi que sur l’adaptabilité du travail et des outils à des corps pour lesquels ils n’ont pas été pensés.

La mesure des possibles est la mise en scène d’une société qui ne serait pas uniquement basée sur des principes d’extraction, d’accélération et d’accumulation. Dans l’espace, des enseignes en fer forgé sont les traces de cette civilisation perdue dont la signalétique serait le seul vestige. Des êtres chimériques habitant le lieu semblent eux, faire figure d’emblèmes à cette société imaginée. –

Née en 1994 à Ambilly, Jeanne Tara se forme à la danse classique et contemporaine avant de se tourner vers les arts visuels. Elle étudie à la Haute Ecole d’Art et de Design de Genève entre 2012 et 2015 et poursuit sa formation artistique à l’Ecole de Recherche Graphique de Bruxelles où elle obtient un Master en pratiques de l’art. Son travail a été exposé à Genève à Halle Nord, à l’espace TOPIC, ou encore au Centre d’Art Contemporain; au Jungkunst à Winterthur; aux Halles EAC de Porrentruy, ainsi qu’à la MAC de Pérouges en Rhône-Alpes ou encore à la galerie de l’ERG à Bruxelles. Elle vit et travaille à Genève.

Remerciements chaleureux à Bertille Laguet, Benjamin Demaurex, Camille Teysseire, Lucas Cantori, Antoine Fischer, Nathalie Rapaille, Julie Marmet, Vicente Lesser et Jean Marie Fahy.

Hard-Won Images

Roman Selim Khereddine

Hard-Won Images est la nouvelle itération de la recherche menée par Roman Selim Khereddine au Maroc.
Mettant en scène une interaction entre un homme et son chien, filmée sur le marché aux chiens de Casablanca, l’installation hybride un discours sur le found footage à un sur les «poor images». Une réflexion s’établit sur le genre cinématographique qui découle de ces vidéos amateures, tournées au smartphone.
Dans leur mouvement commun, l’homme et le chien –ce dernier représentant tous ceux qui sont mis en scène et transformés en marchandises–, pourraient même prétendre représenter l’histoire et la trajectoire de la relation entre les humains et les autres animaux.

Roman Selim Khereddine est un artiste visuel qui travaille actuellement principalement par le médium de la vidéo. « Hard-Won Images » à l’Espace 3353 est sa première exposition individuelle en Suisse romande et sera suivie de « Hard-Won Images 2 » à Tunnel Tunnel, Lausanne. Les deux expositions portent sur du matériel recueilli au Maroc. Khereddine est diplômé d’un MA en histoire, ainsi qu’un MA en Arts Visuels. Il est le lauréat du prix Kiefer Hablitzel / Göhner en 2019, et des bourses de la Ville et du Canton de Zürich en 2021. Il vit et travaille à Zürich.

Texte d’exposition I see a dog and a person, par Jackie Poloni

Répertoire(s)

Programme de performances curaté par Anaïs Wenger

– Cette programmation s’intéresse au spectre des relations possibles entre texte et performance afin de situer des pratiques littéraires et performatives dans une perspective dramaturgique. Chaque soirée articule une nouvelle trame autour de deux propositions, polarisant successivement les notions de temps, d’espace, de personnage, de voix et de corps. –

Mercredi 26 janvier
TEMPS
Arnaud Wohlhauser
& Marie Caroline Hominal 

Mercredi 2 février
ESPACE
Costanza Candeloro
& Ettore Meschi

Mercredi 9 février
PERSONNAGES
Kayije Kagame
& Stéphane Bena Hanly

Mercredi 16 février
VOIX
Loreto Martinez Troncoso
& L’acte pur (Tristan Lavoyer & Andreas Hochuli)

Mercredi 23 février
CORPS
Sofia Kouloukouri
& Jonas Van Holanda

The Special Treat

Sara Ravelli

À partir d’appâts géants et colorés, donnés comme friandises aux animaux des zoos, la recherche de Sara Ravelli sur le concept d’amour apprivoisé prend ici une nouvelle forme.

Travaillant à partir de la tension d’un objet pouvant simultanément séduire ou dégoûter, elle met en espace les images d’une relation toujours ambivalente, entre affection et contrôle, décoration et domination.

Ce scénario plurisémique vise à rediriger l’attention sur la nature anthropocentrique et autoritaire de la relation que l’humain entretient avec l’animal, peut-être comme une métaphore des relations interpersonnelles dans le capitalisme contemporain.

no firing

Caroline Schattling Villeval & Paul Paillet

« He sat on the sofa, wanted to talk, but the sofa was too comfortable. »

A partir de leur expérience commune de la parentalité, Caroline Schattling Villeval et Paul Paillet explorent l’épuisement, modélisent l’inconciliabilité des cycles de sommeil parents\enfants et mettent en espace un calme éventuel qui n’arrive jamais.

Le foyer est ici réduit à la chambre. La lumière est tamisée et évoque un espace circonscrit. La veilleuse neutralise tout. Le matelas est miniaturisé et symbolise un double lieu de reproduction et de non-production. L’espace de l’exposition est pensé en fonction des interactions potentielles d’un enfant qui doit surtout ne rien avoir à portée de mains.

No firing, c’est le refus de ne pas travailler.
Un hommage à Lilie, à Bruce Springsteen, et à toutes ces nuits, allongé.e.s, sans sommeil.